Les entreprises du monde entier sont soumises à de multiples pressions, car l'inflation galopante et le faible taux de chômage créent des difficultés pour recruter et conserver le personnel, alors que dans le même temps, l'attention se porte de plus en plus sur l'équité et la clarté des salaires. Ceci est particulièrement vrai en Europe, où les employés de pratiquement tous les pays connaissent une croissance négative des salaires réels, tandis que la Commission européenne débat des détails d'une nouvelle directive en matière d’égalité salariale qui aura un impact sur tous les États membres de l'UE.
Nous avons abordé ces défis lors de notre récent webinaire, présenté par Mary Cloosterman-Hughes (directrice de Rewards Data & Intelligence). Cet article en résume les idées majeures.
L'attraction et la fidélisation du personnel figurent actuellement parmi les principaux problèmes de la plupart des organisations européennes, ce qui conduit beaucoup d'entre elles à reconsidérer leurs programmes de rémunération. On constate particulièrement une pénurie de personnel possédant des compétences numériques, et de professionnels au sens large. De plus, près de la moitié des entreprises rencontrent des difficultés à pourvoir les postes de commerciaux et de cadres moyens.
La rémunération est un élément clé. Avec une inflation annuelle moyenne qui devrait atteindre 7,4 % sur de nombreux marchés, les employés s'inquiètent de plus en plus de l'évolution de leur salaire.
Pour attirer et retenir le personnel, la plupart des organisations embauchent des personnes dans la tranche supérieure de la fourchette salariale de référence. Environ un tiers des organisations européennes ont déjà augmenté leur budget salarial annuel pour 2022 ou prévoient de le faire, et un autre tiers envisage d’en faire de même. En conséquence, le budget salarial moyen de ces entreprises européennes a évolué très largement pour atteindre une augmentation de près de 40%, passant des 3% initialement prévus à 5% de la masse salariale.
Raymond Wammes (directeur de Work, Rewards & Careers) a expliqué pourquoi l'augmentation des salaires pour l'ensemble de la population active n'est probablement pas une solution appropriée à long terme. L'une des principales raisons est que le contexte inflationniste est probablement temporaire et que les salaires ne pourront pas être diminués dès la réduction de l'inflation. Une autre raison est que les entreprises ne peuvent tout simplement pas se permettre ce type d'augmentation.
Un nombre important d'entreprises se concentre également sur les employés de niveaux inférieurs au sein de l'organisation et est prêt à consentir un effort financier plus important pour cette population. L'augmentation du salaire des employés les moins bien rémunérés peut toutefois entraîner une compression des salaires dans l'ensemble de l'entreprise.
Par ailleurs, un autre aspect à prendre en compte réside dans l'équité salariale au sein de l’entreprise. En effet, l'embauche de personnes situées en haut de l'échelle des salaires peut perturber la structure de rémunération existante et créer des problèmes d'équité interne et un sentiment d'injustice parmi les employés actuels.
Plutôt que d'adopter une approche globale en matière d’évolutions salariales, de nombreuses entreprises ont fait le choix de mettre à disposition des fonds en fonction des besoins afin de cibler des groupes spécifiques d'employés - en offrant, par exemple, des augmentations ciblées du salaire de base.
D'autres techniques consistent à offrir des primes de fidélisation ou d'embauche, ou des valorisations ponctuelles. Cette approche personnalisée est particulièrement pertinente pour les entreprises européennes, en raison notamment des différences locales (y compris dans les niveaux de soutien gouvernemental), ainsi que des exigences uniques de chaque organisation. Le budget des salaires est donc utilisé comme un laser, plutôt que comme un pinceau large.
En réponse à l'étroitesse du marché du travail (et moins aux pressions inflationnistes), les organisations reconnaissent également la nécessité de mettre davantage l'accent sur les éléments non financiers. Les stratégies communes comprennent l'augmentation de la valeur perçue en améliorant la flexibilité du lieu de travail, en offrant plus de possibilités de formation et en proposant aux employés un choix plus large dans leur façon de travailler. En résumé, les entreprises doivent identifier les groupes cibles qui ont besoin d'être davantage récompensés et optimiser l'expérience des employés en termes monétaires et non monétaires.
Eva Jesmiatka, directrice de Work, Rewards & Careers et responsable européenne de l'équité salariale et professionnelle, a développé ces différents aspects en soulignant à quel point il était possible de favoriser le recrutement et la rétention au sein des entreprises.
Les pressions externes exercées sur les employeurs afin de les inciter à développer la diversité, l'équité et l'inclusion (DE&I) ne cessent en effet d'augmenter à un moment où les employés expriment également des attentes de plus en plus importantes en la matière.
Une rémunération plus équitable et une réelle clarté au niveau des salaires constituent donc des éléments cruciaux en vue d’offrir aux employés un contexte professionnel de qualité. Nous constatons d’ailleurs que les grandes entreprises ont fait désormais de la DE&I et de l'équité salariale et professionnelle une priorité absolue dans leur démarche visant à devenir un employeur responsable. De plus, l'équité salariale devient une question importante pour la société ainsi que pour les régulateurs, tant en Europe que dans le reste du monde : la directive européenne sur les rémunérations équitables devrait avoir de vastes répercussions dans la région de l'UE, tandis que nous constatons également un niveau accru de réglementation dans d'autres régions géographiques, notamment en Amérique du Nord, au Moyen-Orient et dans la région Asie-Pacifique.
La législation qui garantit aux employés une plus grande transparence en matière de rémunération oblige également les employeurs à prendre des mesures pour remédier à toute inégalité. Les capacités d'analyse de données constituent un point de départ essentiel. Les organisations doivent d’abord comprendre leur réalité actuelle et savoir s'il existe en leur sein des inégalités sur le lieu de travail. Elles doivent réfléchir à la manière de corriger ces inégalités et déterminer comment maintenir l'équilibre en permanence en créant une structure salariale équitable. Elles doivent également définir comment il convient de gérer les salaires à l'avenir. L'éducation des managers sera donc essentielle, non seulement pour garantir que les politiques salariales sont établies selon le principe d’équité, mais aussi pour expliquer comment sont prises les décisions quant à la rémunération. Les managers doivent également communiquer efficacement les informations sur les salaires à leur personnel afin d'instaurer la confiance.
Les nouvelles exigences en matière d'équité salariale entraîneront les entreprises sur le chemin d'une plus grande transparence, qui est aussi la voie vers une meilleure expérience pour les employés. Ceux-ci seront de plus en plus dans l’attente de recevoir des informations sur la manière dont leur propre salaire et celui de leurs pairs sont déterminés, de connaître les bases selon lesquelles leur rémunération peut être comparée à celle des autres, et de savoir comment ils pourront influencer l’évolution de leur salaire et l’octroi d’autres valorisations. En faisant connaître leurs efforts et leurs ambitions en matière d'équité, les entreprises démontreront ainsi qu'elles prônent l'ouverture et l'honnêteté dans la relation employeur-employé.
Pour plus d'informations, contactez Raymond Wammes.