360°Prévoyance I News
Nous prenons constamment des décisions en groupe. Nous décidons du restaurant où aller avec un groupe d'amis ou du film à voir avec notre famille. Comme les décisions de groupe sont si courantes, nous ne pensons souvent pas aux défis particuliers qu'elles présentent. Toutefois, lorsque les enjeux sont plus importants – par exemple, lorsque le Conseil de fondation d'une Caisse de pension doit prendre des décisions concernant les prestations de prévoyance de centaines voire de milliers d'employés – il est essentiel d’adopter une approche diligente.
Dans le contexte de la gestion des Caisses de pension surviennent fréquemment des défis complexes nécessitant des décisions de la part du Conseil de fondation. Il est courant de constater que les décisions reflètent l'opinion d'une seule personne au lieu de refléter l'opinion du Conseil dans son entier. Si l'opinion du président du Conseil ou la recommandation de l'Expert de la Caisse prévaut toujours, ou si les décisions sont souvent prises de manière informelle avant même le début de la séance, cette personne peut alors "dicter" les décisions, décidant effectivement de manière unilatérale au nom du groupe.
Une situation similaire se produit lorsque la pression implicite pour former un consensus conduit à un accord sans délibération ni débats appropriés. Dans ce cas, il peut se produire le phénomène de "pensée de groupe" des décisions. Officiellement, les décisions peuvent être prises par le groupe à l'unanimité, mais les membres du Conseil ne sont d'accord que parce qu'ils ressentent le besoin de s'aligner sur l'opinion d'une personne ou d'un petit groupe.
En encourageant un processus de collaboration, un effet de "sagesse des foules" peut aider à compenser les effets indésirables de la prise de décision individuelle pour une meilleure gouvernance. Cependant, trop souvent, les Conseils de fondation ne bénéficient pas d'une prise de décision collective efficace en raison d'une mauvaise gouvernance et de processus inefficaces qui favorisent une approche dictatoriale ou les approches de pensée de groupe.
Les décisions relatives à la Caisse de pension ont des conséquences importantes pour le bien-être des assurés. Les membres du Conseil de fondation prennent en effet régulièrement des décisions concernant les taux d'intérêt crédités, l’allocation d’actifs, le taux d'intérêt technique et le niveau des taux de conversion. Des procédures de prise de décision inadéquates peuvent augmenter le risque de mauvais résultats pour les assurés, soit par un niveau de prestations inadéquat, soit par un risque accru relatif à la gestion de leur Caisse de pension.
L'un des domaines-clé où les membres du Conseil peuvent prendre de mauvaises décisions est l’établissement de la stratégie d'investissement. Bien que les membres du Conseil de fondation doivent être préparés au risque d'effondrement des marchés entraînant une éventuelle sous-couverture, une stratégie d'investissement trop conservatrice peut être tout aussi préjudiciable, voire plus, aux assurés. Sans un rendement suffisant des placements, les caisses de pension peinent à offrir des intérêts crédités intéressants et des taux de conversion permettant d’offrir des prestations adéquates aux assurés. Une stratégie trop agressive ou trop conservatrice est plus probable dans les Conseils de fondation où la pensée de groupe est prédominante, ou lorsqu'une seule personne prend effectivement les décisions.
Les Conseils qui tiennent compte de la diversité des opinions et qui veillent à ce qu'un espace d'échange et de collaboration existe ont plus de chances d'arriver à une approche plus équilibrée, ce qui profite généralement au plus grand nombre d’assurés représentés.
Pour réduire le risque de mauvaises décisions dues à la pensée de groupe ou à une approche dictatoriale, les Conseils de fondation des Caisses de pension devraient mettre en place de meilleures pratiques de gouvernance. Un domaine simple consiste à mettre en place des procédures de vote pour les décisions-clés. Prenons l'exemple d'un Conseil de fondation qui doit décider de la mise en œuvre d'une politique d'investissement ESG (respectant des critères environnementaux, sociaux et de gouvernance). Il y a deux façons typiques de prendre cette décision :
Dans le cadre de l'approche traditionnelle, le risque de pensée de groupe est élevé. Par exemple, au départ, le président du Conseil de fondation peut exprimer l'opinion que les considérations ESG ne sont qu'une mode et qu'il n'existe pas de preuves suffisantes appuyant leurs avantages. Si un autre membre du Conseil exprime immédiatement son accord, les autres membres du Conseil sont plus susceptibles de suivre l'opinion initiale ou de rester silencieux sur le sujet. Le Conseil décidera alors de ne pas mettre en œuvre une politique d'investissement ESG.
Selon une approche plus moderne, il est possible de distribuer au préalable des documents d’aide à la décision présentant les avantages et inconvénients des investissements ESG et de demander aux membres du Conseil de voter de façon anonyme pendant la séance pour déterminer si les investissements ESG répondent selon eux aux objectifs d'investissement de la Caisse. Dans ce cas, une image très différente peut apparaître reflétant une diversité d’opinions et non seulement ceux de la minorité qui s’est exprimée au départ. Sur la base de ces résultats de vote, les membres du Conseil décideront probablement en groupe d'adopter une approche plus modérée et de procéder à une analyse supplémentaire des coûts et des avantages avant de prendre une décision finale.
L'adoption de procédures de vote pour la prise de décision peut contribuer à éviter les problèmes de pensée de groupe et de dictature, mais elle peut entraîner de nouvelles problématiques si elle n'est pas mise en œuvre avec soin.
Prenons l'exemple d'un Conseil de fondation composé de 6 membres qui décide de l’indexation des rentes en cours de paiement. Le Conseil a une politique stipulant que les rentes doivent être augmentées si le financement est adéquat et si l'inflation a été suffisamment élevée et décide de voter séparément sur ces deux critères. La plupart des membres du Conseil convient que le financement est suffisant (4 représentants sur 6) et la plupart des représentants estime que l'inflation a été suffisamment élevée (4 sur 6). Le Conseil devrait donc approuver l’indexation des rentes pour l'année.
Cependant, si nous examinons les préférences sous-jacentes de chaque membre du Conseil de Fondation dans ce scénario, une image plus complexe se dessine dans la table 1 ci-dessous :
Option 1 | Option 2 | ||
---|---|---|---|
Un financement adéquat ? | Une inflation élevée ? | Augmentation des pensions ? | |
2 membres du Conseil pensent que... | Oui | Oui | Oui |
2 membres du Conseil pensent que... | Oui | Non | Non |
2 membres du Conseil pensent que... | Non | Oui | Non |
Total des votes pour... | 8 (Oui !)
4 (Non) |
2 (Oui)
4 (Non!) |
Dans ce cas, la procédure de vote a produit un résultat dont la plupart des membres du Conseil d'administration ne sont pas satisfaits. Ce résultat contre-intuitif n'est que l'un des nombreux "paradoxes du vote" bien connus de la théorie du choix social en économie, qui illustre l'importance de bien formuler les décisions lorsqu'on utilise des procédures de vote de groupe. En outre, cet exemple montre que le vote ne remplace pas la discussion et le débat, mais qu'il doit être utilisé comme un outil utile pour parvenir à des décisions qui reflètent mieux les opinions du groupe.
Le manque de temps est un autre obstacle important à une prise de décision solide, mettant la pression sur le Conseil pour qu’il prenne des décisions rapides sans débat ou examen de l’ensemble des options pertinentes. En effet, il est fréquent que les Conseils de fondation ne se réunissent que deux fois par an pendant quelques heures, et chaque séance est riche en points à l'ordre du jour nécessitant la décision du Conseil. Dans ce contexte, il est facile de suivre automatiquement la recommandation de l'expert ou l'opinion du président du Conseil, ce qui conduit à des décisions unilatérales.
Dans certains contextes, il s'agit d'une approche acceptable car les membres du Conseil se sentent « experts » ayant pris de bonnes décisions par le passé. Ce raisonnement peut fonctionner lorsqu'il s'agit d'examiner des questions entièrement basées sur des faits, comme l'impact de l'octroi de crédits d'intérêts supplémentaires sur le degré de couverture. Cependant, la plupart des décisions clés prises par les Conseils de fondation ont une composante politique importante. Par exemple, est-il juste d'accorder des indexations de rentes à des retraités qui ont bénéficié de taux de conversion beaucoup plus élevés que ceux dont bénéficient les assurés actuels ? Comme ces décisions sont fondamentalement politiques ou même morales, une approche démocratique est plus appropriée que de permettre à une seule personne d’en décider, quelle que soit son expertise.
Une approche permettant de faire face aux contraintes de temps et d'améliorer l'efficacité de la prise de décision consiste à adopter une politique spécifique, comme la manière de fixer le taux d'intérêt crédité ou le moment d'accorder des indexations de rentes. De telles politiques présentent de nombreux avantages en dehors de l'efficacité, par exemple une transparence accrue pour les assurés et autres parties prenantes. Cependant, les bonnes politiques prennent du temps à être élaborées, réduisent potentiellement la flexibilité, et peuvent ne pas être adéquates dans toutes les situations.
Afin d'utiliser au mieux le temps de séance limité dont ils disposent, les membres du Conseil doivent examiner les documents de référence qu'ils reçoivent et comprendre les décisions à prendre bien avant la séance du Conseil (par exemple, au moins une semaine plus tôt). Cela permet aux membres du Conseil de se forger une opinion indépendante sur les décisions à prendre. Si ces processus ne sont pas en place, le processus décisionnel du groupe en sera affecté.
Les décisions difficiles prises sous la pression du temps peuvent conduire à des résultats imparfaits. De plus, les Conseils de fondation doivent prendre des décisions dans un environnement qui change continuellement, qui est plus complexe et dans lequel des événements importants et graves peuvent affecter immédiatement les assurés de la Caisse.
En général, des décisions imparfaites sont plus probables lorsque seul un nombre limité d’options est disponible dans une situation complexe. Une tendance récente pour résoudre ce problème est d'aborder la prise de décision d'une manière plus dynamique. Au lieu de décider parmi quelques options limitées décrites dans une présentation, le Conseil peut débattre de la manière de fixer les paramètres clés en direct lors d'une réunion et estimer instantanément les impacts financiers et les conséquences pour les assurés. Par exemple, une feuille de calcul dynamique pourrait être présentée lors d'une séance du Conseil, permettant à ses membres de voir immédiatement l'impact estimé d'une baisse des taux de conversion sur les prestations de retraite projetées, le niveau de financement et les pertes attendues à la retraite, et de parvenir à une décision qui reflète au mieux l'opinion de l'ensemble du groupe.
Nous prenons constamment des décisions en groupe, de sorte que les défis uniques de la prise de décision en groupe ne sont pas toujours apparents. Cependant, étant donné les enjeux élevés des décisions du Conseil de fondation d'une Caisse de pension, il est important de garder ces défis à l'esprit et d'adopter les meilleures pratiques en matière de prise de décision tel que résumé ci-dessous :