360°Prévoyance I News
Par inflation, on entend une diminution de la valeur de la monnaie ou une augmentation du niveau général des prix. Littéralement, l’inflation signifie « gonflement». Si la masse monétaire d’un pays s’accroit plus vite que la production, la demande de biens et de services augmente. Il en résulte une augmentation des prix.
Un niveau de prix plus élevé peut également résulter du fait que les producteurs, les commerçants ou les prestataires de services répercutent des coûts plus élevés, découlant par exemple d’une augmentation des coûts des matières premières ou de production, de frais de personnel ou de taux d’imposition plus élevés. Lorsque les prix augmentent, l’argent disponible a moins de valeur, car le consommateur peut acheter moins à somme égale. Il en résulte une baisse du pouvoir d’achat.
L’inflation a nettement augmenté entre 2021 et 2022, alors qu’elle avait été inexistante pendant des années.
La hausse de l’inflation nous préoccupe tous. Qu’il s’agisse de l’augmentation des coûts de logement, des denrées alimentaires ou des prix de l’énergie, rien ni personne n’échappe à l’inflation. Dans le monde des caisses de pension suisses aussi, l’inflation est un sujet qui soulève de nombreuses questions. Les responsables des caisses de pension doivent réfléchir à la manière de définir les prestations de prévoyance et les paramètres comptables dans un environnement ou l’inflation est de retour. Ils doivent par ailleurs aussi se pencher sur la question du maintien du pouvoir d’achat des bénéficiaires de rentes. Trouver un bon équilibre entre ces défis est une tâche essentielle et complexe.
Concernant le taux d'intérêt sans risque pour le rendement des obligations de la Confédération, nous notons qu'il s'agit d'un terme assez courant dans la littérature spécialisée. Cependant, nous pensons qu'il s'agit plus justement d'un taux d'intérêt à faible risque, car il n'y a jamais de certitude absolue qu'il n'y aura pas de défaut ou de situation forçant la vente d’un titre au mauvais moment.
Depuis 2021, les rendements des obligations de la Confédération à 10 ans ont eux aussi fortement augmenté, passant de – 0,4 % en août 2021 à + 1,4 % en février 2023, soit une hausse de 1,8 % en seulement 18 mois. Les rendements ont même culminé à 1,60 % en décembre 2022. Que cela signifie-t-il pour la fixation du taux d’intérêt technique et du taux de conversion des institutions de prévoyance ?
Penchons-nous tout d’abord sur le taux d’intérêt technique. Les institutions de prévoyance en Suisse ont besoin d’un taux d’intérêt technique qui sert à calculer le capital de prévoyance des rentiers à comptabiliser ainsi que les provisions au bilan des assurés. Le taux d’intérêt technique peut être considéré comme un rendement attendu de la fortune, qui est inscrit à l’actif du bilan en date d’aujourd’hui. Sans l’hypothèse d’un rendement futur de la fortune, les capitaux de prévoyance nécessaires seraient nettement plus élevés. Le taux d’intérêt technique, assorti d’une marge raisonnable, devrait par conséquent être inférieur au rendement net attendu de la stratégie de placement afin de pouvoir garantir le versement des rentes à long terme.
Selon l’étude SLI 2021 de WTW, le taux d’intérêt technique moyen pour les caisses de pension des entreprises du SLI était de 1,75 % en 2021, et la moyenne des institutions de prévoyance suisses sans garantie de l’État était même de 1,62 % fin 2021 selon la CHS PP. Avec la hausse récente du rendement des obligations de la Confédération à 10 ans (Fig. 1). La question se pose maintenant de savoir si et comment cette hausse affectera la fixation du taux d’intérêt technique. Les obligations de la Confédération à 10 ans servent de base pour déterminer la limite supérieure du taux d’intérêt technique. Dans sa directive technique 4, la Chambre suisse des experts en caisses de pension (CSEP) fixe la limite supérieure du taux d’intérêt technique en majorant de 2,50 % le taux d’intérêt moyen des obligations de la Confédération à 10 ans en CHF des douze derniers mois. On ajuste ce montant pour tenir compte de la longévité lors de l’utilisation de tables périodiques (versus générationnelle) ou en cas de forte proportion de rentiers.
Source : Banque nationale suisse ; inflation : Prix à la consommation – Indice global obligations CHF : Rendements d’obligations
Le bilan technique est une évaluation comptable des promesses de prestations de la Caisse. A savoir si le taux d’intérêt technique doit ou non être adapté chaque année à l’évolution des obligations de la Confédération à 10 ans en CHF, différents points de vue peuvent être considérés :
L’approche 1) recherche la continuité en matière de comptabilisation, tandis que l’approche 2) va dans le sens d’une évaluation des engagements en fonction du marché. Les deux approches ont des avantages et des inconvénients. L’approche 1) entraîne une valeur plus stable des provisions dans le bilan et se concentre sur la capacité de financement à long terme des prestations promises. La possible conséquence, et le risque, est de maintenir trop longtemps des prestations trop élevées dans un contexte de baisse des taux d'intérêt. L’approche 2) entraîne, en cas de variation annuelle du taux d’intérêt technique, des provisions très fluctuantes et se concentre sur les conditions du marché à la date de référence. Cette approche rend difficile la fixation raisonnable d'objectifs de prestations à long terme. Le choix de l’approche à privilégier incombe au conseil de fondation. A notre avis, le principe de continuité reste toujours valable dans la prévoyance professionnelle et la priorité peut être donnée à l’approche 1). Cela ne signifie pas pour autant qu'il ne faut pas tenir compte des changements significatifs de l'environnement économique, comme la dernière phase de taux bas et c'est pourquoi il ne faut pas non plus négliger l'approche 2). Dans tous les cas, nous recommandons de ne pas agir dans la précipitation, mais de procéder éventuellement à de légères adaptations au fur et à mesure, en observant l'évolution future des conditions.
La question d’une augmentation peut également être posée pour le taux de conversion et donc pour les garanties à long terme des versements de rentes. Faut- il augmenter le taux de conversion si le taux d’intérêt technique augmente ? Pour rappel le taux de conversion permet de convertir les avoirs de vieillesse en une rente de vieillesse viagère au moment du départ à la retraite.
Nous le déconseillons dans un premier temps, car des taux de conversion qui changent chaque année ne peuvent pas être communiqués de manière compréhensible aux assurés. En général, la question se pose de savoir si des taux de conversion de 5 % ou plus doivent effectivement être augmentés.
La situation actuelle, avec des taux d’intérêt sans risque de 1,4 % et des taux de conversion de 5,4 % en moyenne, ne permet toujours pas un financement sans risque des promesses de rentes. Un taux de conversion de 5,4 % nécessite environ 2,5 % d’intérêt implicite (rendement de fortune) pour un paiement de rente à vie et sans perte.
Durant la phase initiale de la LPP, le taux de conversion était une valeur finançable sans risque. Un retour au modèle LPP de la première heure, avec un taux de conversion financé sans risque, présenterait l’avantage d’une forte résistance face aux crises. En effet, il ne serait pas nécessaire de prendre de grands risques de placement pour garantir le versement des rentes, tandis que les rentiers pourraient bénéficier de probables excédents. D’un autre côté se pose la question de s’assurer de pouvoir offrir un niveau de rentes convenables aux futurs retraités, surtout dans un contexte d’inflation. Pour rappel, la compensation de l'inflation pour les retraités est réglée et prévue par la loi (art. 36 LPP). Le conseil de fondation ne peut pas se baser uniquement sur l'existence de fonds libres, mais doit aussi évaluer la situation financière de l'institution de prévoyance.
Quand et comment les rentes de vieillesse et de survivants doivent-elles être adaptées à l’évolution des prix ? La question est pertinente dans un contexte de retour d’inflation. Si nous subissons une inflation de 4 % pendant deux années consécutives, ou même de 8 % pendant une année, cela correspond à une perte de pouvoir d’achat à hauteur d’une rente mensuelle. Il va de soi que si l’inflation persiste dans un tel ordre de grandeur, il faudra discuter d’une compensation du pouvoir d’achat. La LPP a été conçue dans les années 1970 et 1980, à une époque où les taux d’inflation pouvaient atteindre 10 %. L’art. 36 LPP nous rappelle chaque année l’obligation de prendre une décision sur l’adaptation à l’évolution des prix.
Outre les rentes de survivants et d’invalidité, les rentes de vieillesse et de survivants doivent être adaptées à l’évolution des prix en fonction des possibilités financières de l’institution de prévoyance. Pour ce faire, il faut choisir entre le versement d’un bonus unique et une augmentation à vie. À l’heure actuelle, le versement d’un bonus unique devrait être mis sur un pied d’égalité avec l’augmentation viagère. Enfin, il est également possible de définir une limite supérieure pour les avoirs de vieillesse pouvant faire l’objet d’une rente et de verser la partie excédentaire sous forme de capital. Une augmentation du taux de conversion pour compenser l’inflation n’est pas forcément recommandée, ne serait-ce que parce qu’elle ne profiterait qu’aux nouvelles rentes.
Les rendements des obligations de la Confédération à 10 ans ont été la plupart du temps nettement supérieurs à 4 % pendant la phase de planification de la LPP dans les années 1970, ainsi que de l’introduction de la LPP en 1985 jusqu’en 2000. Avec un taux de conversion de 7,2% à l’époque, les concepteurs de la LPP ont en principe créé des promesses de prestations pouvant être financées à faibles risques. Les rendements excédentaires attendus avec ce modèle ont été utilisés, en particulier dans les années 1990, pour rémunérer plus fortement les avoirs de vieillesse et pour augmenter les rentes. Le même cas de figure se présente à nouveau aujourd’hui en raison de la hausse de l’inflation et des rendements des obligations de la Confédération à 10 ans. Si les taux de conversion se stabilisent autour de 5 % et que les obligations de la Confédération à 10 ans rapportent 2 %, cette situation serait à nouveau atteinte. La prévoyance vieillesse par capitalisation affiche ainsi une grande résistance à la crise. La fortune elle-même n’est pas placée sans risque, mais peut générer une performance supérieure au taux d’intérêt sans risque. Il est donc probable que des excédents soient réalisés, et que ceux-ci seront systématiquement redistribués aux bénéficiaires.