Dans ce premier article d'une série de cinq sur les opportunités de transformation du provisionnement en 2023, nous examinons ce qui freine les assureurs alors que nous savons qu’un vrai potentiel de valeur ajoutée se cache dans l’amélioration du processus.
D'après notre expérience, de nombreux assureurs se retrouvent confrontés à un dilemme en ce qui concerne leur processus de provisionnement.
Ils reconnaissent qu'il y a souvent une marge d'amélioration considérable, mais peinent à mettre en œuvre un projet de transformation (raisonnable en temps et en coût) sans entraver le travail quotidien relatif à leurs obligations réglementaires et de reporting.
En conséquence, de nombreuses entreprises appliquent des « rustines » sur leur solution existante très souvent perfectible. Elles passent, selon nous, à côté d'une réelle opportunité de transformation dans une tendance croissante de l'industrie vers le « nous pouvons faire mieux ».
Quels sont les enjeux ? Il ne s'agit pas seulement d'économies de temps et d'argent. Le principal avantage réside dans la possibilité d'utiliser les résultats du provisionnement pour alimenter et améliorer la tarification, l’évaluation des sinistres, l'exposition et la gestion du capital. Un autre point souvent négligé, et pas des moindres : l’utilisation plus efficace et plus large du temps de personnes expertes qualifiées, souvent coûteuses, dans le cadre de ces activités à valeur ajoutée - ce qui accroît souvent leur satisfaction professionnelle et donc la rétention des talents.
Le principal obstacle que nous voyons à la réalisation de ces bénéfices est, qu’en général, le processus de provisionnement est souvent trop lourd et dissocié du reste de l'activité. Il est dans la plupart des cas beaucoup trop onéreux en temps et en ressources pour limiter efficacement les risques opérationnels et permettre un contrôle optimisé des résultats. Si bien qu’il est difficile de mesurer la manière dont l'analyse du provisionnement pourrait venir ajouter de la valeur.
Quelles sont donc les causes profondes de l'état actuel du provisionnement et des résultats qui en découlent ? Les trois causes les plus courantes que nous observons sont les suivantes :
01
Le processus de provisionnement de nombreuses entreprises manque de résilience et d'évolutivité. Par exemple, une dépendance excessive à l'égard de feuilles de calcul Excel, laisse peu de flexibilité ou de temps pour effectuer des variations autour des meilleures estimations ou pour intégrer de nouvelles informations. Cette situation accroît l'exposition au risque lié aux personnes clés en raison de la manière dont le processus s'est développé par nécessité au fil du temps, potentiellement sans contrôles documentés ni gouvernance clairement partagée.
02
De nombreuses entreprises manquent d'intégration entre leurs différents systèmes informatiques et d'une « version commune de la vérité ». Non seulement cela fait perdre un temps précieux, mais cela peut aussi mettre les différentes parties de l'entreprise en porte-à-faux stratégique et opérationnel les unes par rapport aux autres. Différents départements d'un même assureur, tels que la tarification et l’indemnisation, effectueront souvent en parallèle des analyses similaires à celles produites par l'équipe chargée du provisionnement.
03
Car les provisions de nombreuses entreprises sont fortement agrégées et peu fréquemment mises à jour, il est difficile de percevoir suffisamment rapidement une évolution défavorable des sinistres. Les entreprises concernées ne disposent pas systématiquement de la technologie et des outils nécessaires pour contrôler la validité des sinistres et des hypothèses.
Lorsque nous discutons avec les acteurs internes du marché, nous constatons souvent l'influence de ces obstacles sur les préoccupations et l'état d'esprit qui entourent le provisionnement. C'est pour cette raison que nous considérons qu'il est essentiel de lever ces obstacles pour débloquer ce que nous pensons être les grandes opportunités que le provisionnement peut apporter.
Pour le chef actuaire ou le responsable du provisionnement, nombreux sont ceux qui déplorent des équipes surchargées et les effets de la dépendance aux personnes clés. La plupart de leurs préoccupations portent sur le respect des délais et des normes professionnelles. Changer de cap peut être considéré comme insurmontable dans le temps « libre » entre deux clôtures, même si les avantages à long terme sont pourtant reconnus.
Le directeur technique, lorsqu'il est associé à la discussion sur les provisions, voit souvent un patchwork de « corrections » technologiques qui peuvent donner l'impression d'un manque de résilience et de rigueur. Il est donc nécessaire de le convaincre de l'utilité de la technologie pour le provisionnement et l'amélioration générale de l'activité, et ce de manière claire et succincte.
Nous avons évoqué précédemment l'utilité d'une version unique de « la vérité » dans des domaines tels que la tarification, les sinistres et la gestion de portefeuille. Les responsables de ces équipes nous disent souvent qu'ils comprennent l'utilité d'une telle analyse pour eux et pour l'ensemble de l'entreprise, mais qu'ils n'ont pas l'impression de pouvoir obtenir des informations au moment où ils en ont réellement besoin et à la bonne granularité. La collaboration n'est pas facilitée par les silos linguistiques entre les départements et les interprétations différentes de facteurs tels que la définition des sinistres graves.
Pour la direction générale enfin, il s'agit avant tout de montrer comment des informations plus fréquentes et plus pointues peuvent éclairer et conduire à des décisions qui améliorent la valeur de l'entreprise. En fin de compte, les solutions impliqueront un certain degré d'investissement et/ou, peut-être, des changements dans les rôles, les flux d'informations et les points de décision, qui devront tous être approuvés par ces sponsors de haut niveau.
Nous avons ainsi passé en revue les défis auxquels les assureurs peuvent être confrontés et qu'ils doivent surmonter en ce qui concerne les lacunes dans la manière dont le provisionnement crée de la valeur pour l'entreprise.
Quelles sont donc les solutions potentielles ?
Si la plupart des solutions consistent à disposer d'un système et d'un processus de provisionnement qui permettent d'augmenter la fréquence et l'intégration des analyses, notre deuxième article examinera la manière dont les meilleures pratiques de provisionnement sont mises à contribution, y compris le rôle de la technologie et de l'automatisation.