Analyse des tendances dans les pays les plus vulnérables
L’augmentation des dépenses publiques pendant la pandémie, associée à une inflation mondiale et à des taux d'intérêt élevés en 2023, ont contribué à l'escalade de la crise de la dette dans les marchés émergents. Selon le Fonds Monétaire International (FMI), 36 pays à faible revenu présentent un risque élevé de surendettement ou sont déjà en situation de surendettement. Des pays comme le Ghana, le Malawi, le Sri Lanka, la Zambie et le Suriname sont déjà en défaut de paiement. Certains pays à risque, dont l'Égypte et la Jordanie, seront sûrement gravement touchés par la crise actuelle en Israël.
Cette édition de l’Index Risques Politiques se penche sur les impacts politiques de la crise de la dette des marchés émergents et présente des recherches menées par les consultants géopolitiques Oxford Analytica et le groupe d'assurance-crédit Credendo, ainsi que par les équipes de WTW spécialisées dans le crédit commercial et le risque politique.
Dans l'ensemble, cette recherche indique que les institutions multilatérales, dont le FMI et la Banque mondiale, pourraient avoir des difficultés à jouer leur rôle traditionnel en temps de crise, du fait des défis politiques actuels, ce qui pourrait augmenter les risques politiques et économiques associés.
Les réductions des dépenses publiques sont susceptibles de déclencher des protestations, comme en témoignent les troubles au Chili en 2019, au Sri Lanka en 2022 et en France en 2018 et 2023. Des signes indiquent déjà que les manifestations liées à l'austérité augmentent dans les pays à faible revenu et dans les pays dont la situation budgétaire est fragile, bien que ces protestations soient moins fréquentes en Europe et en Amérique du Nord.
En 2024, les pays à risque comprendront la Jordanie (qui pourrait également être affectée par la crise en Israël), le Kenya et le Brésil. Les impacts sur la stabilité politique découlant de la réduction des dépenses peuvent conduire les gouvernements des pays surendettés à éviter les plans de sauvetage multilatéraux, y compris ceux du FMI, et à privilégier des solutions proposées par des prêteurs non traditionnels, comme la Chine par exemple. En 2024, il y aura également un risque important de "contagion des protestations" à plusieurs pays, comme ce fut le cas lors du Printemps Arabe.
Les pays ayant un ratio paiements publics / recettes publiques élevé seront vulnérables aux crises de la dette souveraine à court et moyen terme. Ainsi, le Laos et le Pakistan seront particulièrement menacés en 2024. À plus long terme, le changement climatique est susceptible de devenir un facteur de plus en plus important des crises d’endettement, ce qui nécessitera une réforme de la dette internationale et de l'architecture financière.
Au cours de la dernière décennie, la composition de la dette publique a connu un changement radical. Les créanciers commerciaux privés, les prêteurs non traditionnels (la Chine, l'Inde ou l'Arabie saoudite) et un éventail plus large d'instruments financiers ont joué un rôle majeur. En conséquence, les politiques de restructuration de la dette souveraine dans ce contexte de crise sont devenues de plus en plus compliquées.
Par conséquent, les futurs manœuvres de restructuration de la dette souveraine risquent d'être longues et, dans de nombreux cas, d'être traités de manière bilatérale (en particulier lorsque la Chine est le prêteur). Dans ces conditions, il est probable que de plus en plus de pays se tourneront vers des plans de sauvetage opaques et non traditionnels.
Pour en savoir plus consultez l’Index Risques Politiques édition automne/hiver 2023 ci-contre.