YOUSSEF EL ARCHI : Bonjour.
IHSANE NIANGHANE : Et Adam Belarouci.
ADAM BELAROUCI : Bonjour. Ils vont nous partager les principales évolutions dans le paysage des rémunérations et notamment pour les métiers en tension dans le secteur des Technologies et Médias.
YOUSSEF EL ARCHI : L'année 2023 a été marquée par des événements majeurs.
D'abord, par une inflation exceptionnelle de 5,8 % dans la zone euro et ensuite, par une pression continue sur le marché de l'emploi. Ainsi que des évolutions notables dans les attentes des salariés. La guerre des talents, bien que légèrement stabilisée, demeure un défi. Pour certains de ces secteurs tels que Fintech, Software et Hardware, ceux-là continuent de lutter pour attirer et retenir des professionnels qualifiés.
ADAM BELAROUCI : Nous nous sommes, pour cela, basés sur les résultats de notre enquête Tech, Media and Gaming 2023 en France, à laquelle ont participé 291 entreprises avec un effectif total de 416 000 salariés.
Cette enquête de rémunération annuelle ne cesse de croître d'année en année, avec 77 nouvelles entreprises participantes pour l'année 2023. Avant de se pencher plus spécifiquement sur les tendances observées sur le marché français, petit aparté sur les métiers apparaissant comme les plus recherchés en Europe.
YOUSSEF EL ARCHI : Grâce à nos investissements dans des nouvelles technologies, notamment d'intelligence artificielle, de machine learning et de web scraping, nous avons réussi à identifier parmi les dix métiers les plus en tension des rôles tels que Software Engineer, Solution Architect et encore, Application Developer qui correspondent à des métiers IT et qui sont prévalants au sein du secteur. Mais également des fonctions d'Account Management, de Business Development ou de Technical Support par ailleurs.
Ces observations soulignent la nature mouvante du marché du travail façonné par les avancées technologiques et les évolutions sectorielles. Elles offrent également une base solide pour anticiper et ajuster les stratégies en matière de talent et de rémunération dans un contexte européen en pleine transformation.
ADAM BELAROUCI : Qu'en est-il maintenant du marché Technologies et Médias en France ?
La tension qui règne sur le marché du travail pour certaines fonctions est aujourd'hui partagée par beaucoup d'organisations, d'acteurs des ressources humaines et c'est particulièrement palpable dans les secteurs des technologies et des médias. Alors, quels sont les métiers qui font monter la pression sur le baromètre des rémunérations ?
On a scruté cela sous deux angles. D'abord, l'augmentation des salaires de base et ensuite, la croissance du nombre de salariés dans chaque métier, permettant d'identifier le développement rapide du besoin en nouveaux talents.
Parmi les métiers qui attirent l'attention, on retrouve ceux liés au développement informatique, avec une augmentation moyenne de 7,5 % de leur salaire de base entre 2022 et 2023. La cybersécurité n'est pas en reste, affichant une hausse de 3 % en moyenne, avec une plus forte évolution de 9 % en salaire de base pour les niveaux experts. Et puis, il y a des métiers comme la conception graphique qui ont connu une envolée
de 20 % par rapport à 2022.
YOUSSEF EL ARCHI : On observe donc que la réponse des entreprises face à ces difficultés d'attraction et de rétention passe par une revue des rémunérations. Intéressons-nous maintenant aux évolutions des rémunérations de façon globale sur le marché technologies et médias.
Concernant le salaire de base, le marché Technologies et Médias a connu une hausse moyenne de 3,3 %, ce qui est assez comparable avec la pratique observée au sein du marché général. Si on analyse cette évolution par point de carrière, on observe finalement que les évolutions les plus significatives se trouvent sur les niveaux d'entrée. Cela peut s'expliquer par le fait que les entreprises souhaitent attirer et retenir les jeunes talents. Et cela passe en partie par des rémunérations plus conséquentes, donc plus attractives et évoluant de manière plus dynamique.
ADAM BELAROUCI : On évoquait précédemment la rémunération des profils les plus juniors, mais l'ancienneté au sein de l'entreprise et non l'expérience professionnelle dans l'absolu, est-elle un facteur impactant la rémunération ?
C'est précisément ce que nous avons analysé et la réponse est oui, absolument. Globalement, l'ancienneté a un impact important sur la rémunération, avec les anciennes recrues, celles qui ont donc plus d'un an d'ancienneté, qui gagnent en moyenne 2 % de plus que les nouvelles recrues, celles qui ont moins d'un an d'ancienneté. On observe que cette tendance est plus forte sur les fonctions de support technique ou administratif, mais qu'elle s'inverse sur les fonctions de management et d'expertise, avec des nouvelles recrues qui gagnent en moyenne 2 % de plus.
Ce constat est très intéressant, car il met en lumière la difficulté pour les entreprises à attirer des talents sur ces fonctions qui présentent une tension particulière. Et cela les pousse à être plus agressifs pour attirer les meilleurs, bien que cela risque de créer un écart inexpliqué ou difficilement explicable par rapport aux salariés déjà en poste sur les mêmes fonctions et avec un niveau de contribution comparable. Intéressons-nous maintenant à un autre facteur impactant la rémunération et qui fait beaucoup parler de lui en ce moment, notamment en lien avec la récente directive européenne sur la transparence des rémunérations. Nous faisons ici référence à la question du genre et aux écarts de rémunération entre les femmes et les hommes.
Tout d'abord, nous avons identifié le secteur Technologies et Médias comme étant un secteur très masculin, avec 69 % d'hommes contre 31 % de femmes. On observe clairement que les hommes sont surreprésentés sur les métiers techniques et par ailleurs, plus rémunérateurs tels que la Data Science ou les métiers du développement informatique, avec plus de deux tiers des salariés sur ces fonctions qui sont des hommes. D'un autre côté, les femmes sont quant à elles majoritairement présentes sur des fonctions de support administratif qui rémunèrent moins en moyenne. Nos analyses ont mis en lumière des écarts de rémunération à niveau de contribution équivalent de 3,45 % en défaveur des femmes.
Ce constat est clairement et automatiquement creusé par la surreprésentation des hommes sur les fonctions les plus rémunératrices et des femmes sur les fonctions qui rémunèrent le moins en moyenne. Cela met en lumière les challenges auxquels devront faire face les entreprises du secteur dans un objectif d'équité des parcours de carrières et des rémunérations.
YOUSSEF EL ARCHI : En résumé, pour attirer et retenir les talents, il est primordial pour les entreprises du secteur Technologies et Médias d'avoir une politique de rémunération qui soit attractive, équitable et compétitive, mais pas seulement. Une rémunération attractive est cruciale, mais elle doit être complétée par une attention à l'expérience salarié globale, incluant des éléments tels que la recherche de sens et le bien-être au travail que les salariés valorisent de plus en plus et qui sont clairement identifiés comme des facteurs d'attraction et de rétention. L'adaptation stratégique des éléments composant les package de rétribution globale en fonction des attentes spécifiques des salariés devient ainsi essentielle. Le one-size-fits all qui est la pratique la plus commune de ces dernières années n'est plus nécessairement une réponse adaptée au sein d'entreprises qui doivent disposer des bonnes compétences au bon endroit pour assurer leur succès actuel et futur.
IHSANE NIANGHANE : Nous vous remercions pour votre écoute et espérons que cet épisode vous aura apporté des éclairages sur vos différents enjeux. Pour toute question sur le sujet ou sur nos enquêtes de rémunération, n'hésitez pas à nous contacter. À bientôt pour un nouvel épisode.