Comment les grandes entreprises gèrent-elles les risques politiques actuels ?
En 2020, la tendance était au déni. Dans notre enquête de 2020, seuls 30 % des répondants ont déclaré être préoccupés par les risques de violence politique. Trois ans plus tard, alors que le conflit en Ukraine s'intensifiait, 50 % d'entre eux déclaraient avoir subi des pertes liées à ce péril.
De même, en 2022, les personnes interrogées ont déclaré être plus préoccupées par le risque politique en Asie qu'en Europe, l'enquête a pourtant été menée alors que les troupes russes étaient à la frontière ukrainienne. En 2023 et cette année encore les inquiétudes concernant le risque politique en Europe sont arrivées en tête.
A travers notre enquête nous observons qu’un grand nombre de nos répondants sont passés du déni au choc entre 2022 et 2023. Les pertes liées aux risques politiques ont grimpé en flèche en 2023 (et pas seulement du fait de violences politiques). L'impact du conflit ukrainien s'est fait sentir par l'inconvertibilité des devises (des restrictions de transfert ayant été imposées au rouble russe et à la hryvnia ukrainienne), avec une hausse des pertes attribuées aux sanctions occidentales, et même une augmentation des expropriations (le gouvernement russe ayant nationalisé des investissements étrangers).
Dans notre enquête de 2023, nous constations une surréaction des personnes interrogées, qui voyait se profiler de nombreuses catastrophes. En effet pour chaque tendance géopolitique analysée, près de la moitié de notre échantillon d'enquête a affirmé qu’elle allait "se renforcer considérablement".
“Lorsque j'ai commencé à travailler pour mon entreprise il y a quelques années, le risque géopolitique était un enjeu de deuxième plan derrière les enjeux économiques”
Répondant à l'enquête | professionnel du secteur de la santé
Nous remarquons que dans l'enquête de cette année la tendance est plus à l’acceptation du risque politique. "Il y a peut-être une plus grande prise de conscience ... des événements imprévus - ceux qui peuvent être envisagés mais pas prédits - et donc une plus grande prise de conscience dans la façon d'envisager ce type d'événement et d'établir des systèmes d'entreprise qui s'avéreraient résistants dans de tels cas", comme l'a mentionné un des répondants lors de l’entretien, acteur américain dans le secteur de l'alimentation et des boissons.
"Lorsque j'ai commencé à travailler pour mon entreprise il y a quelques années, le risque géopolitique était un enjeu de deuxième plan derrière les enjeux économiques ", a déclaré une personne interrogée dans le secteur de la santé. "Depuis lors, la pandémie de COVID-19, le conflit Russo-Ukrainien et la situation autour de Taïwan ont mis en lumière l’importance de la gestion du risque géopolitique et son intégration dans la stratégie de l'entreprise."
L’alarmisme noté en 2023 selon lequel toutes les tendances géopolitiques défavorables vont "se renforcer considérablement" s'est atténué. Il y a maintenant une distinction : seule la "concurrence géostratégique" devrait se renforcer selon 30 % des personnes interrogées, contre environ 15% ou moins pour les autres tendances géopolitiques d’après les résultats de notre enquête 2024.
96% des répondants ont investi cette année dans de nouvelles capacités en matière de gestion du risque politique
Cependant les répondants sont loin d'être optimistes concernant le risque politique. Une écrasante majorité (96 %) a déclaré avoir investi dans de nouvelles capacités de gestion du risque politique cette année. Plus de 70% ont déclaré avoir subi une perte liée aux risques politiques. Une large majorité des répondants se dit préoccupée par les risques politiques en Asie, en Europe, en Russie, au Moyen-Orient et en Amérique du Nord.
La géopolitique est aujourd'hui plus volatile et moins favorable aux entreprises mondiales. Elles prédisent que des tendances telles que la concurrence géostratégique, le nationalisme économique, le recul démocratique et le populisme se renforceront en 2024 (ainsi que des menaces moins connues telles que les "agressions dans les zones grises"). Nos répondants semblent admettre que le risque politique est devenu une réalité, mais peu d'entre eux sonnent le glas de la mondialisation pour l'instant.
“Il est difficile d'atténuer cette menace parce que les chefs d'entreprise ne comprennent pas à quel point l'Occident est devenu instable"
Répondant à l'enquête | professionnel du secteur minier
" Certes, tout le monde n'a pas encore atteint la phase d'acceptation du risque politique - du moins, pas pour toutes les fonctions de l'entreprise, ni pour tous les types de risques. Le plus grand défi lié à tout cela est interne", a déclaré une personne interrogée dans le secteur minier. "Il est difficile d'atténuer cette menace parce que les chefs d'entreprise ne comprennent pas à quel point l'Occident est devenu instable. Ils ont construit leurs hypothèses et leur compréhension du monde pendant plusieurs décennies de stabilité relative et ne se rendent pas vraiment compte que la façon de penser et de planifier qui leur a permis de réussir à l'époque ne fonctionnera plus aujourd'hui."
