En janvier 2023, le gouvernement a présenté son projet pour l'avenir du système de retraite français dans le cadre de la réforme retraite 2023. Cette réforme qui se veut avant tout paramétrique a de multiples conséquences qui vont au-delà du système même des retraites.
La mesure phare du projet de loi, celle qui retient l’attention, concerne l’âge de départ à la retraite, qui passe de 62 à 64 ans, le faisant ainsi coïncider avec l’espérance de vie en bonne santé des Français. On ne peut donc nier qu’il y aura nécessairement des répercussions sur les frais de santé, et donc sur les régimes de santé et de prévoyance. D’autres enjeux sont également à étudier comme le travail des seniors, l’impact sur la masse salariale, son coût, la retraite complémentaire, la réforme retraite carrière longue etc.
Cette réforme pourrait aussi être l’occasion pour les entreprises de se saisir du sujet de la retraite et ainsi de renforcer et/ou d’adapter l’accompagnement déjà existant de leurs salariés.
Pour toutes ces raisons, il nous semble important de comprendre l’ensemble des conséquences de la réforme retraite 2023, quelles questions cela soulève et surtout quels quels leviers peuvent être actionnés pour y répondre. C’est pourquoi, les experts WTW se mobilisent pour analyser les différents aspects de la réforme des retraites ainsi que ses impacts, tout en proposant les outils associés afin de les maîtriser au mieux.
Retrouvez ci-dessous les analyses de nos experts WTW :
La première génération concernée sera celle née à compter de septembre 1961 (soit ceux qui vont atteindre 62 ans, âge légal actuel, à compter de septembre 2023). Ainsi, tout dépend de votre date de naissance et non de la date à partir de laquelle vous souhaitez liquider vos pensions de retraite. Si vous êtes né en 1959, par exemple, et souhaitez liquider votre pension de retraite en décembre 2023, vous n’êtes pas concerné par la réforme et restez soumis aux anciennes conditions de départ en retraite.
Il est régulièrement rapporté dans les médias que les femmes seront plus impactées par le recul de l’âge légal de 62 à 64 ans. Pourquoi? 2 raisons peuvent être évoquées:
- Les mères de famille aux carrières complètes, grâce aux trimestres pour enfants, bénéficiaient plus largement du taux plein dès leur 62 ans et devront désormais attendre 64 ans. Elles seront donc plus largement impactées par le report de l’âge légal en comparaison des hommes qui bénéficiaient du taux plein dès leurs 62 ans dans une moindre mesure.
- Les femmes remplissent moins souvent les conditions pour un départ en carrière longue en raison de carrières plus hachées que les hommes. Or, la réforme aura un impact modéré sur les carrières longues avec un décalage estimé d’un an et demi du départ en retraite* (vs décalage de 2 ans de l’âge légal). Les femmes bénéficieront ainsi en moindre mesure de ces conditions de départ plus favorables prévus dans le projet de réforme.
Il est à noter malgré tout que le projet de réforme tente d’améliorer cette situation en prévoyant que 4 trimestres d’AVPF (allocation vieillesse parent au foyer) seront désormais décomptés pour estimer si une personne peut bénéficier du dispositif carrière longue. Il s’agit d’une mesure qui pourrait permettre à certaines femmes de désormais remplir les conditions d’accès au dispositif carrière longue.
*Pour les personnes en situation de carrière longue, selon le Rapport sur les objectifs et les effets du projet de réforme des retraites
A l‘origine, le gouvernement avait annoncé ne pas toucher au cours de la réforme aux droits familiaux et réserver ces éventuels changements pour une date ultérieure. Toutefois, les mesures suivantes ont été insérées dans le texte sur lequel le gouvernement a engagé sa responsabilité:
Concernant les trimestres pour enfants au régime général actuellement, pour tout enfant né ou adopté avant 2010, la mère obtenait automatiquement huit trimestres. Pour les enfants nés après, 4 trimestres sont attribués automatiquement à la mère au titre de la maternité et 4 trimestres peuvent être répartis entre les parents au titre de l’éducation de l’enfant (procédure de demande enfermée dans des délais restreints).
Le texte de réforme prévoit que sur les 4 trimestres d’éducation, qui peuvent être aujourd’hui séparés entre le père et la mère selon la répartition voulue, 2 seront automatiquement attribués à la mère, les 2 autres seulement pourront être répartis selon la volonté des parents.
Par ailleurs, le texte prévoit d’instituer une surcote anticipée à compter de 63 ans pour les mères de famille (bénéficiant d’au moins 1 trimestre pour enfant) qui auraient atteint le taux plein dès cette date. Cette mesure a été conçue en compensation à l’impact de la réforme des retraites pour les femmes.
Enfin, il est prévu l’extension de la majoration de pension de 10% aux parents de trois enfants ou plus aux professions libérales et aux avocats.
La réforme prévoit d’intégrer au régime général 5 régimes spéciaux. Sont concernés:
- Les régimes des industries électriques et gazières (IEG),
- La Régie autonome des transports parisiens (RATP),
- Les clercs et employés de notaire (CRPCEN),
- La Banque de France,
- Les membres du Conseil économique, social et environnemental (CESE).
Cela concernerait en fait les nouveaux embauchés à compter du 1er septembre 2023. Les salariés actuels resteraient affiliés à leur ancien régime en vertu de la “clause du grand-père”.
Ces régimes auraient donc vocation à progressivement disparaître à un lointain horizon.
Le texte de réforme sur lequel le gouvernement a engagé sa responsabilité prévoit que l’”index senior” qui consiste en la publication par l’entreprise d’un certain nombre de données liées à l’emploi des seniors (contenu qui serait défini par décret), concernerait les entreprises de plus de 1000 salariés dès novembre 2023 puis les entreprises de plus de 300 salariés à compter de juillet 2024.
Une sanction allant jusqu’à 1% de la masse salariale est prévue en l’absence de publication.
Cette mesure risque toutefois une censure du Conseil Constitutionnel car elle ne respecterait pas les conditions requises pour être inclue dans un texte financier (cavalier législatif).
De même, serait instauré l'obligation de négocier sur l'emploi des seniors dès lors que les indicateurs de l’index se retrouvent détériorés sur trois ans et, à défaut d'accord trouvé, un plan d'action devrait être mis en place par l’entreprise.
Pour rappel, le CER est un dispositif permettant au salarié ayant liquidé ses pensions de reprendre une activité et de cumuler les revenus.
Il existe 2 types de cumul emploi-retraite :
- le CER intégral si la personne bénéficie du taux plein et a atteint l’âge légal. Dans ce cas, aucune limitation de revenus (pension de retraite + salaire) ne s’applique.
- le CER limité si les conditions ci-dessus ne sont pas remplies. Dans ce cas, un délai de carence de 6 mois s’applique, si le salarié souhaite reprendre son activité chez son ancien employeur et une limitation des revenus intervient. Ainsi, si les revenus (pensions de retraite + salaire de l’activité reprise) dépassent un certain seuil, la pension de retraite sera amputée.
Le dispositif actuel n’autorise pas la création de nouveaux droits retraite au titre de l’activité reprise.
Le projet de réforme prévoit la création de nouveaux droits retraite pour les salariés bénéficiant d’un cumul emploi-retraite intégral. Ces nouveaux droits viendront améliorer la pension de retraite de base sans que cela puisse donner lieu à surcote.
Par déduction, il semblerait que les paramètres de calcul de la pension qui pourront être améliorés seront le salaire annuel moyen brut des 25 meilleures années voir dans certain cas le prorata de la durée d’assurance validée au régime général sur la durée d’assurance requise (d/D). Le taux étant au maximum (50%) celui-ci ne pourrait être amélioré. L’amélioration des droits serait là mais semblerait limitée. Pour ce qui est de la retraite complémentaire, il reviendrait à l’AGIRC-ARRCO d’en décider.
Les retraites supplémentaires (art 83/PERE/PERCOL/PER…) sont liquidables au plus tôt à la date de liquidation de vos retraites obligatoires. Ainsi, en fonction de l’âge légal qui s’appliquera à votre génération (entre 62 et 64 ans) suite à la réforme, vous ne pourrez pas liquider vos retraites supplémentaires avant cette date.
L’augmentation de l’âge légal sera également synonyme d’une augmentation de la durée de cotisation au plan et donc d’un capital accumulé supérieur. En miroir, la durée de perception de la rente sera réduite d’autant ainsi la conversion du capital en rente sur la base de tables de mortalité sera plus favorable.
Les coefficients de solidarité ne concernent que la pension AGIRC-ARRCO et ont été instaurés en 2019 par les partenaires sociaux à la tête de l’AGIRC-ARRCO dans l’objectif d’inciter les futurs retraités à reporter leur départ en retraite pour des questions d’équilibre financier du régime (reporter son départ= plus de cotisations versées dans les caisses de l’AGIRC-ARRCO et une pension versée plus tard).
Le principe des coefficients de solidarité est le suivant :
- une minoration de la retraite Agirc-Arrco de 10% pendant 3 ans s’applique aux personnes liquidant leur retraite dès la date d’atteinte du taux plein
- cette minoration n’est pas appliquée en cas de report de la date de départ en retraite d’un an
- une majoration de pension AGIRC ARRCO est appliquée aux personnes qui décalent le point de départ de leur retraite d’au moins deux ans. Le montant de leur retraite complémentaire est alors majoré pendant un an : + 10% si report de 2 ans, + 20% si report de 3 ans, + 30% si report de 4 ans ou plus.
Il s’agit d’une simple incitation (pas d’obligation) à reporter son départ ayant pour but le maintien de l’équilibre financier des caisses de l’AGIRC ARRCO.
- Notre opinion à ce sujet est que les coefficients de solidarité auront certainement vocation à disparaitre dans la mesure où le passage de l’âge légal de 62 à 64 ans est une mesure aux effets plus “puissante” en terme d’équilibre des régimes. Ainsi, les coefficients de solidarité n’auraient plus de raisons d’exister en eux-mêmes.
Toutefois, il reviendra à l’AGIRC-ARRCO in fine de trancher cela et fixer les règles de son régime suite à la réforme.
Le CET est un dispositif d’entreprise permettant au salarié d'accumuler des droits à congé rémunéré ou de bénéficier d'une rémunération, immédiate ou différée, en contrepartie des congés ou périodes de repos non pris ou des sommes qu'il a souhaité placer dessus.
Les entreprises n’ont à ce jour aucune obligation de le mettre en place. Lorsqu'il est mis en place, les dispositions du CET sont fixées par accord et déterminent son fonctionnement (modalités d’alimentation, d’utilisation...etc). Le salarié n'a aucune obligation de l’utiliser.
Le CET peut assez souple et peut être modelé de telle manière à en faire un outil de transition emploi-retraite efficace pour les salariés. En permettant aux salariés d’utiliser le CET pour s’aménager un congé de fin de carrière, un temps partiel senior ou pour financer un rachat de trimestres par exemple, le CET peut alors devenir une boîte à outil pour le salarié afin de se façonner une fin de carrière sur mesure. L’augmentation de l’âge légal va augmenter l’attrait tant des DRH que des salariés vers ce genre de dispositifs.
Lorsque le CET est utilisé en temps, comme pour un congé de fin de carrière, le salarié reçoit une indemnité. Les indemnités perçues sont soumises à cotisations comme un salaire, ce qui signifie que le salarié continue d’acquérir des droits retraite pendant ces périodes.
Il n’y a pas de modification du dispositif de CET dans le projet de réforme. Toutefois, le gouvernement a précisé dès le début des discussions envisager la mise en place d’un CET universel dont l’implémentation ne serait pas laissée à la volonté de l’entreprise et qui pourrait suivre le salarié tout au long de sa carrière. Il faudra être attentif dans les mois à venir.
En l’état actuel, la retraite progressive est un dispositif permettant aux salariés ayant déjà accumulé 150 trimestres de passer à temps partiel (entre 40 et 80%) avec accord de l’employeur à compter de 60 ans. En contrepartie, ces personnes pourront percevoir une fraction de leur pension de retraite permettant ainsi de compléter leurs revenus. Pendant cette période de retraite progressive, les salariés continuent à acquérir des droits à la retraite.
Avec la réforme, l’âge d’entrée dans le dispositif sera réhaussé d’autant que l’âge légal, soit de 2 ans. Il ne serait alors possible de débuter une retraite progressive qu’à compter de 62 ans.
Aujourd’hui, l’employeur peut refuser sans justifications au salarié le passage à temps partiel au titre de la retraite progressive. Le texte de la réforme sur lequel le gouvernement a engagé sa responsabilité prévoit désormais que l’employeur ne pourra plus refuser ce passage à temps partiel que pour des raisons liées à une incompatibilité avec l’activité économique de l’entreprise et que la demande est réputée acceptée en l’absence de refus justifié de l’employeur. Enfin, il sera désormais possible d’opter pour un temps partiel inférieur à 40%.
Le dispositif sera également étendu aux fonctionnaires.
Plus de contenus à venir pour vous apporter des éléments d'analyse au plus proche de l'actualité réforme retraite ...